Fred Périé



Photo de l'atelier du 4 Juillet 2014 à l'ICP (NICE)
La Démesure du Possible
Installation vidéo à l’intention des personnes qui souffrent de troubles de la mémoire.
Fred Périé 2014

Cette installation a été commanditée par l'association Art dans la Cité, pour l'institut Claude Pompidou de Nice et le CHPG de Monaco Centre Rainier III, avec le soutien de Stavros Niarchos Foundation, de la Fondation de France et du ministère de la Culture

Remerciements : Bruno Arfuso, Pascal Collé, Bérengère Dalbies, Rachel Even, Charlie Gasq, Hilde Hamel, Valérie Hasson-Benillouche, Ingrid Laurent, Patricia Lopez, Mathilde Mauvilly, Martine Rajzman, Philippe Robaut, Philippe Robert, Laure Santori, Laura Siccardi, Malika Ziari, et toutes les personnes qui ont participé aux ateliers et ont bien voulu échanger avec moi leurs impressions.

Le principe de l'œuvre repose sur des séances d'atelier, organisées avec les patients. L'image projetée à grande échelle sur un mur réagit aux personnes présentes dans la salle. Leurs mouvements révèlent selon leur amplitude des fragments de vidéos. Celui qui regarde se rend compte ainsi de son action immédiate. Les images révélées durent le temps du mouvement, puis disparaissent progressivement. Cependant par moment, des traces restent durablement dans l'espace pictural sans qu'on puisse saisir comment ces traces sont créés. Une fois là, celles-ci deviennent autonomes et commencent leur vie propre : elles se déplacent et changent de couleur sur des durées assez longues, s'échelonnant de la demi-heure à plusieurs jours.



En dehors des périodes d'atelier, l'œuvre poursuit sa vie. Un autre écran situé dans un espace accessible au public permet d'en suivre l'évolution à un très court différé près.



À long terme, ces traces visuelles pourraient constituer une mémoire des ateliers, mais au bout de quelques jours elles finissent par s'estomper puis par disparaître. Cette mémoire est ici intentionnellement éphémère, et seule la présence régulière des patients aux côtés de l'œuvre peut entretenir la vie de l'image. S'il ne se passait rien dans l'atelier, tout finirait par devenir une série de monochromes uniformes.

La Démesure du Possible ne procède pas d'une intention thérapeutique. Elle est simplement inspirée de la situation des personnes déficientes et elle est à leur intention, comme lorsqu'on écrit à quelqu'un, pour se rappeler à lui, pour lui dire qu'on ne l'oublie pas.



Les fragments d'images révélés constituent les éléments génériques d'un ensemble pictural, dont la nature non géométrique et les rapports fortuits évoquent pour moi la forme même des souvenirs. En jouant avec cette métaphore abstraite et avec la mémoire concrète du moment présent, l'installation invoque le temps, avec ses processus visibles et invisibles, actifs ou passifs. D'ailleurs il vaudrait mieux dire les temps, car au fond c'est une multiplicité d'échelles de temps qui nous constituent, temps de l'espèce, temps de la civilisation, temps de la langue, temps de la culture,  temps de l'Histoire bien-sûr, mais aussi temps de son histoire, de celle de sa famille, temps du présent, temps de nos pensées, temps de nos actions, possibles ou impossibles. La démesure est certainement là dans ce qui nous touche au plus près.